Le Carbonifère : Le peuple de la mine (3)

La mine et ses installations de surface : la partie visible de l'iceberg car en dessous ce n'est qu'un dédale de galeries.
Dessin L.V.B.

Le charbon dans sa réalité matérielle, objet de toutes les convoitises des 18ème, 19ème et 20ème siècle...
Tant de sueur, de larmes et de sang pour ces quelques cailloux noirs...

Entrée

 

 
 
 
 
Recherches annexes
 
 
 

 

Le
Carbonifère

Carbonifère : Généralités

1.  Le Carbonifère
   1.1.  Etymologie et définition
   1.2.  Caractéristiques du Carbonifère
2.  Les paysages du Carbonifère
   2.1.  Orogénie
3.  La Belgique productrice de minerais

Le Carbonifère inférieur : Viséen - Tournaisien

4.  Le Carbonifère inférieur
   4.1.  Le petit Granit
   4.2.  Les fossiles du Petit Granit

Le Carbonifère supérieur : Westphalien - Stéphanien

5.  Le Carbonifère supérieur
   5.1.  Le charbon
   5.2.  Le climat au Carbonifère
   5.3.  La flore au Carbonifère
   5.4.  La faune du Carbonifère
   5.5.  Les fossiles du charbon

L'exploitation minière du Charbon (1)

6.  L'exploitation du charbon
   6.1.  Les protagonistes
      6.1.1.  André Paillard, dit "AndrédeMarles"
      6.1.2.  Henri Rimbaut, mineur et poète
      6.1.3.  Lucien Hector Jonas, peintre anzinois
      6.1.4.  Marius Carion, peintre du Borinage
      6.1.5.  Joseph Quentin, photographe du peuple
      6.1.6.  Auguste Lesage, mineur, peintre, médium et guérisseur
      6.1.6.  Pierre Paulus, le peintre du prolétariat de Charleroi
   6.2.  Vocabulaire spécifique au monde de la mine

L'exploitation minière du charbon (2)

7.  L'exploitation du charbon
   7.1.  Les différents bassins houillers
   7.2.  Description des veines de houille et des terrains encaissants
   7.3.  Les installations minières
      7.3.1.  En surface
      7.3.2.  En dehors du carreau de la mine
      7.3.3.  Sous terre
   7.4.  Visages des différentes fosses au cours du temps

L'exploitation minière du charbon (3)

8.  Quelques thèmes pour continuer le tableau
   8.1.  L'alcoolisme et la prostitution
   8.2.  Sainte Barbe
   8.3.  Les chevaux dans la mine
   8.4.  Les terrils
   8.5.  Les corons
   8.6.  Cabarets, cafés et estaminets
   8.7.  Les outils du mineur
   8.8.  Les mineurs au cours du temps
   8.9.  Ouvrages décrivant la vie des mineurs au cours du temps
   8.10.  Reconnaissance des travailleurs du passé glorieux des mines

L'exploitation minière du charbon (4)

9.  Les systèmes d'éclairage
   9.1.  Les lampes de mineur à flamme nue
   9.2.  Les lampes de mineur de type Davy
   9.3.  Les lampes de mineur de type Clanny
   9.4.  Les lampes de mineur de type Mueseler
   9.5.  Les lampes de mineur de type Marsaut
   9.6.  Les lampes de mineur de type Fumat
   9.7.  Les lampes de mineur britanniques de type Archibald de Glasgow
   9.8.  Les lampes de mineur à benzine de type Wolf
   9.9.  Les lampes de mineur de type Molnia
   9.10.  Les lampes de mineur à acétylène
   9.11.  Les lampes de mineur de type inconnu
   9.12.  Les lampes de mineur électriques

L'exploitation minière du charbon (5)

10.  Les accidents miniers
   10.1.  Les coups de grisou et coups de poussier
   10.2.  Le feu
   10.3.  L'eau et les inondations
      10.3.1.  Les galeries d'exhaure
   10.4.  Les éboulements
   10.5.  Liste chronologique des accidents miniers

Le Peuple de la Mine (1)

11.  Il était une fois le peuple de la mine
   11.1. Introduction
   11.2.  La découverte du charbon
   11.3.  Petite histoire de l'exploitation du charbon
      11.3.1.  Les premières exploitations minières

Le Peuple de la Mine (2)

      11.3.2.  La houille et la révolution industrielle
      11.3.3.  Les nouveaux riches
      11.3.4.  Les nouveaux riches et le pouvoir
      11.3.5.  La classe ouvrière
      11.3.6.  La classe ouvrière s'organise

Le Peuple de la Mine (3)

      11.3.7.  Zola et Germinal
      11.3.8.  Les thèmes de Zola
         11.3.8.1.  Les femmes
         11.3.8.2.  Les enfants

Le Peuple de la Mine (4)

      11.3.9.  Le Paternalisme
      11.3.10.  La Déclaration de Quaregnon
      11.3.11.  Le Syndicalisme

Le Peuple de la Mine (5)

      11.3.12.  Les conflits sociaux de 1886 en Wallonie
      11.3.13.  Nouvelles lois suite aux grèves

Le Peuple de la Mine (6)

      11.3.14.  La grève de 1906
      11.3.15.  Les premiers immigrés
      11.3.16.  Les grèves de 1913
      11.3.17.  La Première Guerre Mondiale

Le Peuple de la Mine (7)

      11.3.18. Les Polonais
      11.3.19.  L'Entre-deux Guerres

Le Peuple de la Mine (8)

      11.3.20.  La Deuxième Guerre Mondiale
      11.3.21.  L'Après Guerre
      11.3.22. Les années '50 et suivantes : Le Déclin

Le Peuple de la Mine (9)

      11.3.23.  La Culture Minière
         Introduction
         Les Chorales, Harmonies et Fanfares
         Les Géants
         Le Jardinage
         La Colombophilie
         Le Javelot
         Le Sport
            Le Football
            Le Cyclisme
            Le Tir à l'Arc et les Jeux d'Indiens
         Les Combats de Coqs et les Coqueleux
         Les Guinguettes
         Les Bouloirs
         Les Kermesses, Ducasses, Braderies et autres Fêtes Populaires
            Les Braderies
            Les Ducasses et Kermesses
         Autres Loisirs
         La Napoule
         Conclusion
 
       

12. Quelques semaines, en compagnie d'un mineur et de sa famille

   12.1. Au petit matin
   12.2. Le départ vers la mine
   12.3. Arrivé au puits, Jules se prépare
   12.4. La descente aux enfers
   12.5. Au travail
   12.6. La chaleur
   12.7. On étouffe, ici !
   12.8. Le briquet au fond
   12.9. Toujours surveillés
   12.10. Pendant ce temps-là...
   12.11. Fin de journée...
   12.12. Retour à la maison
   12.13. Au jardin.
   12.14. Le souper
   12.15. Tu seras mineur, mon fils !
   12.16. L'accident
   12.17. Le dimanche et la ducasse
   12.18. Et pour finir...

Le Peuple de la Mine (1)

11.  Il était une fois le peuple de la mine

11.1. Introduction
11.2.  La découverte du charbon
11.3.  Petite histoire de l'exploitation du charbon

11.3.1.  Les premières exploitations minières

Le Peuple de la Mine (2)

11.3.2.  La houille et la révolution industrielle
11.3.3.  Les nouveaux riches
11.3.4.  Les nouveaux riches et le pouvoir
11.3.5.  La classe ouvrière
11.3.6.  La classe ouvrière s'organise

Le Peuple de la Mine (3)

11.3.7.  Zola et Germinal
11.3.8.  Les thèmes de Zola

11.3.8.1.  Les femmes
11.3.8.2.  Les enfants

Le Peuple de la Mine (4)

11.3.9.  Le Paternalisme
11.3.10.  La Déclaration de Quaregnon
11.3.11.  Le Syndicalisme

Le Peuple de la Mine (5)

11.3.12.  Les conflits sociaux de 1886 en Wallonie
11.3.13.  Nouvelles lois suite aux grèves

Le Peuple de la Mine (6)

11.3.14.  La grève de 1906
11.3.15.  Les premiers immigrés
11.3.16.  Les grèves de 1913
11.3.17.  La Première Guerre Mondiale

Le Peuple de la Mine (7)

11.3.18. Les Polonais
11.3.19.  L'Entre-deux Guerres

Le Peuple de la Mine (8)

11.3.20.  La Deuxième Guerre Mondiale
11.3.21.  L'Après Guerre
11.3.22. Les années '50 et suivantes : Le Déclin

Le Peuple de la Mine (9)

11.3.23.  La Culture Minière

Introduction
Les Chorales, Harmonies et Fanfares
Les Géants
Le Jardinage
La Colombophilie
Le Javelot
Le Sport

Le Football
Le Cyclisme
Le Tir à l'Arc et les Jeux d'Indiens

Les Combats de Coqs et les Coqueleux
Les Guinguettes
Les Bouloirs
Les Kermesses, Ducasses, Braderies et autres Fêtes Populaires

Les Braderies
Les Ducasses et Kermesses

Autres Loisirs
La Napoule
Conclusion

11.3.7.  Zola et Germinal

Il n'est pas facile de représenter la société telle qu'elle existait avant la révolution industrielle. En Europe, au Moyen Age, le travail de la mine était dans le domaine de l'agriculture.

C’est parce que les mineurs symbolisent mieux que tout autre cette mutation profonde de l’Europe, que le journaliste et écrivain Emile Zola choisit en 1884 de décrire leur vie et leur lutte à travers les Gueules Noires. Le romancier le plus célèbre de l’époque est le premier à comprendre que la révolution industrielle porte en elle le germe d’une révolution sociale à venir. Pour préparer Germinal, le prochain volume des Rougon-Maquart, sa monumentale histoire des Français, Emile Zola a choisi de se rendre à Anzin, dans le département du Nord. La compagnie d’Anzin, ce sont 30 puits, un million de tonnes de charbon extrait chaque année, 34 machines, 1700 chevaux et 12.000 mineurs de fond.

Lorsqu’il arrive à Anzin, l’écrivain ressent la puissance des installations et surtout cette sensation d’écrasement des individus qu’il tentera de transcrire dans Germinal. Cette fosse à l’aspect menaçant ressemblait à une bête goulue accroupie là, prête à manger le monde.

Emile Zola exige de descendre au fond de la mine. Parvenu à 650 mètres sous terre, il note dans ses carnets ses propres sensations. "On s’enfonce dans une galerie. La nuit s’y fait et les lampes éclairent fort peu. L’ingénieur qui marche devant moi apparaît comme une silhouette noire se détachant sur une lueur vague." Progressant difficilement le long des galeries, Zola remarque le train de wagonnets tirés par un cheval aveugle. Dans la poussière du charbon, la chaleur et l’angoisse, Zola avance jusqu’au veines les plus étroites, là où, comme il l’écrit, "Il faut se trainer à quatre pattes pour atteindre les mineurs qui ont rampé dans un boyau d’à peine 80 cm." Le journaliste en fera une description poignante dans Germinal. "Allongés sur le flanc, ils n’avaient qu’une idée : compléter le plus grand nombre de berlines. A mesure que la journée s’avançait, l’air s’empoisonnait davantage. Eux, au fond de leur trou de taupe, sous le poids de la terre, n’ayant plus de souffle, la poitrine embrasée tapaient toujours." Dans les galeries de la fosse Renard, Zola découvre le peuple de la mine organisé en petites équipes très structurées et hiérarchisées. Des hommes mais aussi des, femmes et des enfants. Les mineurs sont exploités, peu importe leur ancienneté. L'exploitation minière en est venue à réunir son personnel dans des agglomérations particulières (villages de mineurs) où le mode d'existence diffère beaucoup. Beaucoup considèrent les mineurs comme des animaux. Ils vivaient à l'étroit dans de misérables cabanes groupées en plusieurs villages où seule la misère régnait. Ils n'avaient quasiment pas de liens avec les hommes pratiquant un métier autre que ceux de la mine.

Voici le témoignage de Jean Vandekerhove, 88 ans en 2008, 35 ans de fond à la fosse du Mambourg à Charleroi et qui décrit le fatalisme de la vie des enfants : "Beaucoup d’enfants, après leur scolarité primaire, même s’ils avaient des dons pour certaines matières, se retrouvaient à travailler, contraints et forcés dans les mines de charbon car leurs parents, ouvriers exploités et mal payés, leur disaient "Si tu veux manger, il faut travailler !" Mon grand-père était mineur, ma grand-mère était trieuse en surface, mon père était mineur, mon oncle était mineur aussi. En étant jeune j’entendais toujours parler de la mine. Arrivé à 14 ans, le père vient me voir et me dit : "Mon gars, maintenant qu't'as 14 ans et qu't'as fait ta communion, t'es dev'nu grand. il est temps qu'tu prennes ta vie en main et qu'tu gagnes ta croûte. J'ai vu l'contremaître hier et j'y ai dit qu't'étais un bon p'tit gars, costaud et respectueux. Il veut bien t'engager pour 2 francs. Tu s'ras avec l'Jojo. C'est li qui s'ra ton moniteur." Tout était dit. Fils et petit-fils de mineur, mineur je serai à mon tour".

"C’est la première descente qui est importante. Quand la maman vient vous chercher au lever du lit, vous n’osez lui faire voir que vous avez peur parce qu’elle, elle a peur. Elle vous sert le petit-déjeuner, elle vous donne votre musette, elle vous accompagne à la porte et puis vous partez. Et là, vous n’osez pas vous retourner parce que vous savez qu’elle pleure… Alors ça c’est un souvenir…"

Tu arrives à la lampisterie, on t’équipe d’une lampe, d’un casque et puis le Jojo de dit : "Ici, mon gars, c'est du sérieux. Tu me suis. Tu fais ce que je fais, tu vas où je vais. Tu fais pas le con. Ta vie et celle de tous les mineurs en dépendent." Avec deux autres galibots, j'étais sous la protection du Jojo et on s'est avancé pour gagner la descente à la cage. A peine t'es arrivé sur la margelle du puits, qu'à un signal du contremaître, une cage hissée par le câble, qui était tiré à son tour par la vapeur vient se présenter à nous. on y entre debout, et puis "ding – ding – ding" la cage descend et hop c’est parti. Le Jojo me montre que la cage glisse le long de deux guides, deux énormes poutrelles de bois fixées dans le puits sur toute la hauteur. Dans la vacarme de la cage qui descend, Jojo me montre qu'elle est munie d'un toit, en guise de parapierre, et ce toit est surmonté d'un mécanisme particulier qu'on nomme le parachute. Jojo explique pour me rassurer : "Si le câble vient à se casser, un ressort, jusque-là serré par le câble, se détend. Il commande deux fortes griffes d'acier qui entrent dans le bois des guides. La cage reste suspendue dans le puits, et l'on procède au sauvetage. C'est pas que ça arrive souvent mais beaucoup de vies d'hommes ont été ainsi préservées !" Au lieu de me rassurer, ça me fait encore plus peur. Là, on se dit qu’on entre dans un autre monde. C'était ma première descente. C’est inoubliable. J’ai cru que j’allais mourir. La cage descendait à la vitesse de 16 mètres par seconde. C’est impressionnant ! J’ai cru que j’allais cracher mon cœur. Arrivé au fond, j’avais les oreilles qui bourdonnaient pire qu’un avion et puis ça siffle, ça bourdonne, j’avais l’impression que j’avais le cœur dans les oreilles, puis en avançant dans les galeries, une demi-heure plus tard, j’avais encore les oreilles qui bourdonnaient. On ne peut pas l’oublier.

En quelques minutes, on avait atteint le fond du puits, distant d'environ quatre cent cinquante mètres de la surface. Sur ce point débouche une large galerie munie d'une voie ferrée. Le long de cette voie, roulent les wagons pleins allant vers les cages, et les wagons vides se rendant aux tailles. C'est un va-et-vient continuel. Des mules et des chevaux tirent les wagons. Ils ont une écurie confortable, sont soignés par des palefreniers, et sont portés au tableau de la mine sous des noms harmonieux et coquets, qui rendraient jaloux les chevaux de course eux-mêmes.

Alors, il y a les conditions d’éclairage. Si t’es un petit peu claustrophobe, si t’es pas habitué, tu te sens oppressé, t’as du mal à respirer et je me suis dit : "Là, ça y est, je vais mourir, on appelle ça une fosse et ben, je sais pourquoi ! On quitte la longue galerie longitudinale où on était entré tout à l'heure. On prend les voies latérales et on monte le long des galeries ascendantes. C'est un vrai labyrinthe. "Je vais me perdre ici, je ne remonterai jamais !" Mon cœur bat de plus en plus fort. J'arrive sur le lieu de travail, dans les tailles où l'on abat le charbon. J’entends le bruit des marteaux-piqueurs. "Qu’est-ce qui se passe ? C’est quoi ce bruit ?" Ca fore, ça claque, ça pète… un bruit assourdissant. A un mètre de distance, on crie et on ne se comprend pas ! Les wagonnets arrivent dans un vacarme de tôles qui s’entrechoquent. Un jeune galibot comme moi commence à charger le charbon dans les berlines dans une poussière où on ne se voit plus. A ce moment-là, je me dis : "Mais qu’est-ce que je fais ici? Trop tard… je ne peux pas m'enfuir. Je ne peux pas faire marche arrière pour pas que le père ait honte."

"Et puis enfin, la remontée, c’est un peu une délivrance parce que tu peux quitter cet endroit cauchemardesque. Quand on arrive à proximité de la surface, on voit poindre le jour. Mais moi, je ne me suis jamais habitué à la descente et à la perte du jour et la remontée a toujours été pour moi une renaissance, même à la fin. J’ai travaillé 35 ans avec la peur au ventre et avec une seule envie : sortir de ce trou. "

En cette année 1884, sur le carreau de la mine d’Anzin, Emile Zola scrute son Pays Noir qui a défiguré des pans entiers du territoire franco-belge. Il voit la cohorte des mineurs en marche qui se dirigent vers la fosse ou qui remontent des entrailles de la terre.

Ce Pays Noir, un homme l’a photographié à partir de 1870 à Saint-Etienne, comme personne avant lui. Félix Thiolier a consacré sa vie à photographier les paysages de sa région, une œuvre de plus d’un millier de photographies.

Saint Etienne, dans le département de la Loire, c’est le berceau de la mine de charbon en France qui a vu son développement démultiplié avec la liaison de chemin de fer avec Lyon, première ligne ouverte dans le pays. Grâce à Félix Thiolier, pour la première fois, un objectif saisit la réalité de ces nouveaux paysages miniers et le quotidien des forçats de la houille sur le carreau ou le long des terrils, ces amas de déchets de la mine que l’on entasse au fur et à mesure de l’extraction. C’est sur plusieurs centaines de km2 jusque-là désertiques et ruraux que se déploie désormais l’industrie de la mine, une industrie qui vient bouleverser le paysage de régions entières en érigeant des installations gigantesques comme surgies du fond de la nuit. Souvent, les compagnies créent de nouveaux villages de toutes pièces dans ces campagnes devenues une espèce de Far-West. Les mineurs vivent à l’écart du monde, loin des centres urbains, dans cette forêt profonde dont parlera Jean Jaurès et que beaucoup ignorent.

Emile Zola découvre dans le Nord, des barres de corons de 100 m de long avec plus de 70 logements, des cités minières deviennent de véritables petites villes privées construites par les compagnies.

Corons...

L'eau courante n'existe pas dans les corons.
Au départ des "puits collectifs" sont creusés et mis à disposition des mineurs et de leurs familles.
La faible profondeur de ceux-ci induira une mauvaise qualité de l'eau qui provoquera des cas de typhoïde.  Les municipalités et le compagnies minières devront prendre des mesures et approfondiront les puits.  Malheureusement, cela conduira inexorablement à leur assèchement, conséquence du passage trop proche des galeries d’exploitation de charbon.

Viendront alors la construction de réservoirs d’eau, alimentés par un puits artésien distant. Une pompe à bras manuelle est installée par endroits dans le coron permettant à chacun de venir se servir en eau au moyen de seaux et de brocs.

L'eau courante ne commencera à se généraliser qu'à partir de 1955 et même dans les années '60, certains corons ne disposeront pas encore de l'eau courante, en atteste ce cliché d'époque où on voit une ménagère revenant du point d'eau avec deux seaux.

Ruelle dans les corons. Photo prise du haut du chevalement au début des années 1950.

La misère des corons...

Dans le Nord de la France, les corons sont souvent fermés par des grilles qui marquent la séparation entre deux mondes qui s’ignorent. Dans cette petite société refermée sur elle-même, les gardes veillent sur l’ordre social.

Les gardes des mines jouaient, dans le monde clos et privé des cité minières, le même rôle que les gardes champêtres dans les villages. Leurs décisions avaient force de loi. Ils veillaient à l'ordre, au respect des règles et à la propreté des lieux... pour cacher autant que possible le côté miséreux des corons.

S'il y en a un qu'on n'aimait pas, c'était bien lui !  Il arrivait toujours quand il ne fallait pas et quand on ne l'attendait pas.  Il y avait certainement des "jaunes" qui lui racontaient tout ce qui se passait.  Alors il descendait dans le coron.  A la moindre incartade, les amendes pleuvaient. Le garde était craint comme la peste. Quant il arrivait dans une rue, le bouche à oreille fonctionnait : "V'la l'garde ! Attention !".

Les gardes des mines étaient tous hiérarchisés comme nous pouvons le voir grâce aux différences notoires dans leurs tenues d'époque.

"Mesdames, préparez vos balais, v'là l' garde."
Cela se passait il y a déjà quelques années dans nos corons du Nord Pas de Calais et de Belgique, une époque révolue que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître !...

Le garde des mines passait deux fois par semaine armé de sa clé-vanne dans les corons. Il frappait à la porte des maisons sollicitant les ménagères pour nettoyer le caniveau commun longeant toute la rue jusque l'égout où il se déversait.

Cette tâche d'entretien (obligatoire) était effectuée simultanément par chaque ménagère...
... au préalable, il frappait aux portes de chaque maison avec sa clé-vanne pour se faire entendre le moment venu, et toutes les ménagères sortaient avec leur balais ...

... en haut de la rue, au moyen de sa clef spéciale dont il était le seul détenteur (avec le fontainier), il ouvrait la vanne puissante qui déversait un flot d'eau dans le caniveau...

Dés que la vanne débitait son grand flot,... et toutes les ménagères alignées en rang d'oignons, nettoyaient le caniveau devant chez elles, poussant l'eau vers le bas et le déversoir...

... Les caniveaux de pavés devaient être propres !

... Bien propres ...(Règlement oblige !)

Costume de garde des mines. Les gardes des Compagnies des Mines constituaient l'essentiel du service de surveillance des Houillères du Bassin du Nord Pas de Calais.
Véritable police des infrastructures du carreau du jour et de son environnement ( terrils, corons.... ) ils y faisaient régner l'ordre et l'application du règlement des Compagnies à grands coups d'amendes
Leur quartier général était les Grands Bureaux des Compagnies autrement dits Bureaux Centraux.
Nombreuses sont les anecdotes gravitant autour de ces personnages austères et personne dans les corons n'en garde un bon souvenir....

Ci-dessus, la tenue complète de garde des mines d'une Compagnie Houillère du Nord de la France vers les années 1960.  Elle comprend la veste avec sa pucelle (écusson sur fond de cuir agrafé à la pochette, comme celle des militaires ou des gendarmes).  Cette dernière au même titre que l'écusson figurant sur le képi arbore les symboles des mines, en l'occurrence les pics croisés et la traditionnelle lampe à flamme. Une chemise bleu ciel, encore une fois comparable à celle portée par les policiers ou les gendarmes, complétée par une cravate.
Tous les boutons sont rutilants avec les initiales H.B. et dans la poche se trouve un sifflet métallique.

C’est ce monde clos et privé qu’Emile Zola arpente guidé par les ouvriers. Les mineurs racontent à l’écrivain les coutumes qui rythment leur vie et qui feront le sel et la force de Germinal. Zola découvre les estaminets, ces cafés présents à l’entrée de chaque fosse et dans les corons d’habitations. L’alcoolisme était le refuge des ouvriers qui pratiquaient les besognes les plus dures et qui y trouvaient l’illusion d’un monde moins cruel que celui où ils vivaient. Certains ouvriers y consacraient près du quart de leur maigre salaire. C’est là que l’écrivain sent monter la grogne des ouvriers exploités et épuisés. Plus de 12 heures de travail par jour, sans équipement, pour des salaires de misère.

La productivité doit augmenter, de même que les cadences de production des travailleurs. Souvent payés à la pièce, plus ils produisent plus ils sont payés... mais après une journée de 12h à une cadence de production maximale, ils ont à peine de quoi survivre. C'est pourquoi les femmes et les enfants, dès leur plus jeune âge se retrouvent dans les filatures, dans les verreries, dans les aciéries... et dans les charbonnages. Cette situation prive les enfants de toute scolarité. Devenus adultes, cela les rend dépendants de gens qui savent lire et écrire (notaires, médecins, prêtres, instituteurs et patrons d'usines). Les conditions de travail deviennent de plus en plus pénibles, la misère s'installe et une nouvelle sorte d'esclavage vient de naître.

Tout est bon pour asservir l'ouvrier et le rendre dépendant vis-à-vis du patron :

25% du salaire des mineurs des mines de Graissessac (Hérault, à 50 km de Béziers) étaient payés avec ces bons.

Graissessac? Les premières concessions minières connues datent de 1768 mais, depuis longtemps déjà, les affleurements de houille étaient exploités par les habitants pour leur usage personnel et pour alimenter les forges du village.

Le charbon était acheminé depuis le haut des collines, à dos d’âne, par des chemins caillouteux.
Plus tard des plans inclinés ont transporté la houille jusqu’au creux de la vallée du Clédou.
C’est en 1768 que Mr Etienne Giral eut l’autorisation de construire une verrerie à Hérépian, à la condition d’exploiter le charbon de terre, pour préserver les forêts. Le titre légal pour la concession des mines de houille fut accordé le 4 novembre 1769, aux sieurs Giral et Moulinier.
La Compagnie des Mines de Graissessac est créée en 1845, lui succède la Compagnie Usquin Mines, remplacée en 1863 par la Compagnie des Quatre Mines Réunies, nationalisée en 1945. Le 15 mai 1946, un décret constitue les Houillères du Bassin des Cévennes.
A partir de 1962, suite à la fermeture successive des puits, l’exploitation se poursuit à ciel ouvert dans les "Découvertes" (les premiers travaux ont commencé en 1956). Ce type d’exploitation s’est arrêté en 1993. L’extraction du charbon à Graissessac aura duré près de 220 années : de 1769 à 1993.

Que penser de ces "bons" uniquement valables dans le magasin et la cantine de la mine ?

Deux choses me viennent spontanément à l'esprit :

On le voit, dans tout système, on peut trouver des avantages et des inconvénients.

Néanmoins, régulièrement, les corons sont emportés par la fièvre. Des émeutes voient le jour et sans état d’âme, les compagnies minières font appel à l’armée qui n’hésite pas à faire feu sur les manifestants, pour rétablir l’ordre. Parfois même, ce sont les hussards qui chargent la foule sabre au clair.

Pour Emile Zola, cette tension sociale et politique est arrivée à son paroxysme. C’est par une tirade prémonitoire qui résonnera tout au long du XXème siècle que se termine le roman "Germinal" qui paraît en 1885. "Des hommes poussaient, une armée noire vengeresse dont la germination allait bientôt faire éclater la terre".

Lorsque Germinal est publié, Emile Zola, tel un prophète, lance même un cri d’alarme en direction des gouvernants : "Hâtez-vous d’être justes, autrement, voilà le péril : les nations s’engloutirons dans un effroyable bouleversement de l’Histoire." Il prédisait déjà en 1885, le premier conflit mondial.

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11.3.8. Les thèmes de Zola

Au cours de son roman "Germinal", Zola développe, par petites touches disséminées au cours des pages certains thèmes. En rassemblant ces petites touches éparses, c'est un véritable tableau de la misère humaine qui se dessine sous nos yeux.

11.3.8.1. Les femmes

Dans les premiers temps des mines, les femmes étaient employées sous terre quand on manquait de bras pour tirer les wagonnets de charbon. Elles étaient quelques milliers dans les fosses du Nord – Pas-de-Calais et de Wallonie à avoir rejoint au fond une équipe familiale autour d’un père ou d’un frère. Par la suite, c'est essentiellement en surface que l'on trouve les emplois féminins.

1891. Mines de Liévin. Groupe de mineurs avec une femme au centre de la première rangée.

Femmes et hommes dans la mine, début du XIXème siècle.

Témoignage de Betty Harris, ouvrière anglaise employée dans les mines de charbon du Lancashire, dans la région de Wigan, entre la rivière Douglas au Nord et la rivière Mershey au Sud.
Témoignage recueilli en 1845.
"Je suis née en 18O8 à Glazebury, un petit village du comté de Wigan. Je me suis mariée à 23 ans et c'est seulement après que je suis descendue à la mine. Je ne sais ni lire ni écrire. Je tire les wagonnets de charbon, et je travaille 12 heures par jour. J'ai une ceinture autour de la taille, une chaîne qui me passe entre les jambes et j'avance avec les mains et les pieds. Le chemin est très raide, et nous sommes obligés de nous tenir à une corde, nous nous accrochons à tout ce que nous pouvons saisir.

Dans le puits où je travaille, il y a six femmes et une demi-douzaine de garçons et filles; c'est un travail très dur pour une femme.  A l'endroit où je travaille, la fosse est très humide et l'eau noire passe parfois jusqu'aux cuisses.  Mes vêtements sont trempés presque toute la journée."

Bientôt les femmes ne seront plus autorisées à descendre et travailleront en surface. Elles seront affectées à diverses tâches : au triage, au roulage des berlines et à l'entretien des lampes.

Le triage :

Pour la plupart, il s'agit de femmes ou de jeunes enfants qui trient le charbon de la terre avant le chargement. Ce tri était fait à l'origine avec une grande pelle et des paniers en osiers, puis ensuite sur des tapis roulants. C'est un travail dur, demandant beaucoup de résistance. Pourtant les femmes s'affairent par tous les temps, chaussées de sabots et coiffées d'un fichu pour se protéger de la poussière de charbon.
Quel métier ingrat de pauvresse et de crève-la-faim, comme on disait alors, mal payées, mal considérées, soumise à leur surveillant qui les maltraite ou abuse d'elles si elles sont un tant soit peu attirantes et n'osant rien dire de peur de perdre leur emploi. Ces "clapeuses" seront présentes sur le carreau de la mine pendant des décennies.

Entrée de l'atelier de triage.

Groupe de trieuses, vraisemblablement dans les mines de Lens à la fin du XIXème siècle.

Les trieuses étaient majoritairement des femmes, mais jusqu'en 1914, des jeunes filles et des jeunes garçons y étaient aussi employés dès l'âge de 10 ans.

Jeunes trieuses de la fosse n° 13 de Lens.

Groupe de trieuses au jour, affairées à épierrer le précieux minerai extrait du fond.
Les lavoirs à liqueur dense qui supprimeront cette tâche ne sont pas encore d'usage dans toutes les Compagnies minières.

Voici un groupe de trieuses en plein travail. Le porion, surveillant le travail des ouvrières et portant une barrette, se tient un peu en retrait. La poussière est omniprésente et nul ne doute que les trieuses sortent de cet endroit aussi "gueules noires" que les hommes remontant du fond.

Equipe de trieuses du début du XXème siècle.  Femmes et jeunes filles sont rassemblées pour la photo après leur service, en compagnie des 3 surveillants, placés derrière.

Une équipe du triage au début du XXème siècle.  On y voit de jeunes garçons et de jeunes filles.  les plus jeunes ont à peine 10 ans alors que les plus âgés n'ont pas 18 ans.  Au centre de la deuxième rangée en partant du haut, veste blanche, moustache et portant la casquette, le porion est là entouré de ses protégés... ou de ses esclaves... c'est selon le point de vue.

Trois trieuses vers 1910 prennent la pose juste avant de prendre leur service. Cette photo permet de détailler correctement le costume traditionnel porté par ces ouvrières à cette époque.

Trois autres trieuses de la même période prennent aussi la pose juste avant de prendre leur service. Cette photo permet aussi de détailler correctement le costume traditionnel porté par ces ouvrières à cette époque.  A noter que deux d'entre-elles portent une lampe à flamme cuirassée.

Fin du XIXème siècle et tout début du XXème siècle : un groupe de trieuses des mines de Lens.

Groupe de trieuses avec leur porion, photographié vers 1910 ici sur le carreau de la fosse de Méricourt avant de prendre leur poste.

Triage aux environs de 1925.  Remarquez le porion un peu à l'écart et portant une casquette, surveillant les ouvrières.

1948. La seconde guerre mondiale est finie. Toutes les énergies sont déployées pour redresser économiquement le pays. Voici des trieuses au travail. A part quelques détails dans le costume, rien n'a vraiment changé pour elles en près de 100 ans de révolution industrielle.

Sourire chaleureux d'autant plus naturel que spontané de cette jeune trieuse, saisi par l'artiste.  Elle travaille au jour mais est aussi noire que si elle était au fond !
Remarquez la coiffe spécifique qui protégeait les cheveux des abondantes poussières émanant du tri des produits remontés du fond.

Trieuses vers 1930.

Trieuses au travail vers 1930.

Trieuses vers 1945.

Trieuses vers 1950.

Trieuses "angélique".

Cafut au regard triste, résignée et sans avenir par le peintre Carion.

Les Hiercheuses par Constantin Meunier.

Le roulage de berlines : Il s'agit de pousser les berlines pleines et vides de l'envoyage vers le moulinage, du triage au terril... en fait, tout déplacement de berline en surface est effectué par ces femmes.

Voici des rouleuses de berlines sur le carreau du jour de la fosse N° 5 de la Compagnie des Mines de Bruay en Artois située à Divion vers 1910.
Interdites au fond depuis le début du XXème siècle, elles œuvraient uniquement sur les installations du jour, au triage, au moulinage ou à la lampisterie.

Les hiercheuses
Vieille carte postale
Coll. L.V.B.

Les hiercheuses du charbonnage des Vallées de Gilly
Vieille carte postale
Coll. L.V.B.

Les hiercheuses de Flémalle (région de Liège)
Vieille carte postale
Coll. L.V.B.

Les hiercheuses du charbonnage Bascoup de Chapelle-lez-Herlaimont (Région du Borinage)
Vieille carte postale
Coll. L.V.B.

L'entretien des lampes : Les jeunes filles sont employées à la lampisterie, où elles remettent, en échange d'un jeton numéroté, la lampe aux mineurs qui descendent. Ce système permettait de savoir quel était le nombre de mineurs dans la mine et de connaître les manquants en cas d'accident. Poste très important s'il en est. Il s'agit, lors de la remontée des mineurs, de réceptionner les lampes, de les nettoyer, de les démonter, de les réparer si nécessaire, de les recharger en combustible et de les préparer pour le mineur de la pause suivante.

Démontage et entretien des lampes.

Mais les femmes ont toujours été considérées comme une seconde classe d'ouvriers, des ouvriers de seconde zone, mal payées, mal considérées.

Quand une femme atteint l'âge de la retraite après avoir travaillé toute sa vie, il est rare que sa pension suffise à survivre. Heureusement que combinée à la pension de retraite de son époux, cela puisse suffire. Si elle a malheureusement perdu son époux dans un accident de travail, sa pension personnelle additionnée d'une partie de celle de son époux peut juste suffire.

La femme, quand elle ne travaille pas à la mine, est toujours présente aux côtés du mineur. C'est elle qui se lève à 4 heures du matin pour préparer le café fort du mineur ; c'est elle qui prépare le briquet (casse-croûte) qu'il prendra à la pause ; c'est elle qui frottera son dos meurtri quand il se lavera dans le grand baquet au retour de ses 10 heures de fosse. C'est aussi la femme du mineur qui gère le budget du ménage. Ce sont également les femmes de mineurs qui entretiennent les grèves quand la situation devient trop difficile.

Malheureusement, ces femmes au foyer n'ont aucun statut légal. Quand elles se retrouvent, quel que soit leur âge, seules, suite au décès de leur mari, elles ne recevront qu'une maigre pension de survie. Elles devront quitter le logement que la Compagnie minière mettait à leur disposition et elles perdront leurs avantages comme pouvoir s'approvisionner au magasin de la Compagnie, recevoir leur provision de charbon pour l'hiver ou bénéficier des soins médicaux gratuits. Elles devront se trouver un autre logement dont le loyer sera à peine épongé par leur maigre retraite. Si elles ne sont pas aidées par leur famille, elles seront destinées à une vie, de misère et même de mendicité. C'est pour cela que certaines de ces pauvres femmes se retrouvent sur les pentes des terrils à ramasser les petits morceaux de charbon qui ont échappé au triage et à redescendre chargées de sacs de combustibles. Pauvre consolation...

Ces femmes étaient appelées les glaneuses.

Glaneuse sur le terril de Wasmes, dans le Borinage.

Autres misérables glaneuses accompagnées par leurs enfants essayant tant bien que mal de récupérer un peu de charbon sur le terril.  Se chauffer est parfois un luxe hors de portée de certains.

Quand Cécile Douard, Cécile Leseine de son vrai nom (Rouen, 1866-Bruxelles, 1941), s’installe à Mons, elle fréquente l’école de Marie Popelin et l’atelier d’Auguste Danse qui lui donne des cours de dessin ; recommandée par Jean-François Portaels, elle devient l’élève d’Antoine Bourlard, directeur de l’Académie des Beaux-arts de Mons (fermée aux filles jusqu’en 1911) et réussit à avoir son propre atelier.
Projet "Les Glaneuses au terril".

La période montoise de Cécile Douard (1883-1904) est d’une grande richesse artistique : les paysages âpres du Borinage (paysages industriels) et le travail des femmes, ces travailleuses usées avant l’âge par le dur travail quotidien dans la mine, l’inspirent. La hiercheuse qui pousse les wagonnets dans le fond de la mine ou la glaneuse de charbon sur les terrils sont ses sujets favoris. Pour vivre, elle donne des cours de dessin aux jeunes filles de bonnes familles et réalise des portraits de personnalités montoises. 
Tableau "Les Glaneuses au terril".

Carte postale (timbre oblitéré en 1922) montrant des glaneuses au terril de Marchienne au Pont.  Pauvreté, misère, crasse, malnutrition, destins brisés et yeux vides de toute perspective d'avenir.

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11.3.8.2. Les enfants

Les enfants que Zola croise dans les galeries, ce sont des "galibots" mot qui signifie "polissons" dans le patois du Nord. Au début du XIXème siècle, les enfants ont pu descendre très jeune au fond des puits, parfois dès l’âge de 7 ans (parfois, pour les embaucher plus jeune, on trichait sur leur âge).

Il a l'âge de la fin de l'école maternelle ou du début de l'école primaire.  Il devrait couler une enfance heureuse, sans soucis en jouant avec ses copains dans la cour de l'école... au lieu de cela, il travaille, se casse le dos et respire des poussières...

A l'instar des femmes, les enfants sont toujours descendus très jeunes à la mine. Ils représentaient pour l'employeur une main-d'œuvre bon marché, et pour la famille un appoint de revenu non négligeable. Chez les mineurs, pas de contrôle des naissances : les enfants se suivent, d'autant plus que la mortalité infantile est très importante. De plus la mine fait payer un lourd tribut à la famille (accidents, conditions de travail pénibles...).

Attelés aux chariots remplis de charbon, dans des galeries étroites, ils devaient trainer ou pousser le précieux minerai.

Ces quelques anciennes gravures datées de 1800 à 1850, présentes un peu partout sur Internet, attestent, s'il en est encore besoin, du travail des enfants non pas en surface mais aussi au fond.

Au début, des grandes exploitations, c’étaient les jeunes galibots qui devaient porter les paniers de charbon tout au long des échelles de plusieurs centaines de mètres qui remontaient à la surface. Plus tard, avec l’avènement des treuils actionnés par une machine à vapeur qui tractaient des espèces d’ascenseurs appelés "cages", les enfants seront déchargés de cette tâche. Progressivement, les lois vont interdire l’exploitation des enfants si jeunes dans les mines. Ce n'est qu'en 1813 qu'une première loi interdit l'emploi des enfants de moins de 10 ans. Le galibot continuera à faire taire ses peurs d'enfant et, aux côtés d'un autre mineur, il passera par tous les postes de la mine pour apprendre le métier. Pour pouvoir descendre dans la mine, il faudra avoir 12 ans en 1848, puis 13 ans en 1874 et en 1875, le travail de nuit leur est interdit.

Galibot résigné, enfant vivant une vie d'adulte, sans espoir de salut.

Mais ces lois sont peu respectées et il n'y a aucun contrôle, ce qui n'empêcha pas les compagnies minières d'embaucher des enfants de 11 ans, juste après leurs certificat d'études.
Des galibots, ces apprentis mineurs, il y en aura toujours au fond de la mine. Jusque dans les années 1970, en France, on pourra toujours descendre dans les puits dès l’âge de 14 ans.

Galibots.

Galibot les pieds nus dans le charbon et les cailloux tranchants écoutant attentivement les conseils du porion.  Pauvres enfants, esclaves d'un capitalisme dévorant.

Au fond, le galibot était occupé à l'évacuation du charbon, à ramener aux mineurs des bois de soutènement et divers matériels, et surtout, à pousser des berlines.
Il apprendra le métier de mineur sur le tas en devenant successivement, hercheur, aide moulineur et enfin mineur à l'abattage.
Les galibots eurent de multiples fonctions au fond de nos mines.

Galibot porteur de feu.

Après la première guerre mondiale, l'embauche se fit à 14 ans sous contrôle rigoureux de l'état et le travail de nuit ne fut autorisé qu'à partir de 18 ans.

Manifeste du Parti Socialiste du 1er mai 1914 contre le travail des enfants.

Voici, à titre d’exemple, le nombre d’enfants travaillant dans les charbonnages de la région de Charleroi en 1874 pour le premier tableau et en 1920 pour le deuxième.

 

Travail en surface

Travail au fond de la mine

Age

Garçons

Filles

Garçons

Filles

10 à 11 ans

147

122

295

116

11 à 12 ans

262

227

930

382

12 à 13 ans

352

356

1.682

683

13 à 14 ans

496

464

2.167

863

14 à 15 ans

647

588

2.908

1.057

Total

1.904

1.757

7.992

3.101

Apprentis mineurs en 1940.

 

Suivez la suite de l'histoire du Peuple de la mine sur :
Carbonifère : Le peuple de la mine (4)

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