Chronologie de la formation du massif de Rocroi

La genèse
Quel était le paysage à l'époque ?
Et le temps passe doucement mais sûrement
Coupe géologique de la région
Phénomènes éruptifs

La genèse

L'histoire de ces roches a commencé il y a 500 à 600 millions d'années, au sein d'une mer peu profonde qui recouvrait notre région. Quand nous disons "notre région", il faut comprendre en fait une région située dans l'hémisphère sud, aux environs de 70° de latitude sud. Il faut rappeler que l'écorce terrestre n'est qu'une mince pellicule au regard de notre planète. Cette fine peau est scindée en plaques qui dérivent très lentement les unes par rapport aux autres. Depuis le Cambrien, le socle de notre pays, situé alors au sud de l'équateur a dérivé lentement vers le Nord pour atteindre aujourd'hui nos latitudes.

Au cours du Cambrien, des sables, fins, argileux, se sont déposés au fond de la mer. Ils sont à l'origine des quartzites. Alternativement, les dépôts sableux laissaient la place à des boues fines qui furent à l'origine des schistes et des phyllades. La teinte noire des roches est due, en partie, à des sulfures de fer, qui, par exposition à l'air se sont altérés en oxydes de fer. A l'origine, les dépôts successifs de boues et de sables fins se sont superposés en couches parallèles presque horizontales. Cette superposition se retrouve ici dans la région de Haybes, Fumay, Revin, Laifour, Deville, Monthermé, Bogny-sur-Meuse... mais les bancs s'inclinent vers le sud-est. Cette position des couches de schistes et de quartzites est due aux plissements qui ont suivi le Cambrien. Au cours de l'Ordovicien et du Silurien (entre 500 et 400 millions d'années avant notre époque actuelle), les lents mouvements de l'écorce terrestre ont relevé le fond marin jusque la surface. Cette plaine a continué à se soulever pour former un plateau de plus en plus élevé.

Ces mouvements étaient très lents (de l'ordre du cm par siècle, au plus du mm par an) mais sur des millions d'années, la dérive des continents a provoqué des pressions latérales qui ont bousculé et plissé les couches de sédiments. Le continent ainsi formé va être la proie de l'érosion. Notons aussi pour être complet que ces boues argileuses et ces sables qui étaient au départ des roches meubles sont devenues d'une part suite à la compression des couches qui s'accumulent les unes sur les autres et d'autre part suite à la compression latérale due aux divers plissements, sont devenues, donc, des roches compactes et dures ; les schistes et les quartzites.

Après le Cambrien (vers -500 millions d'années), La région d'Europe Occidentale qui nous intéresse, se situait aux environs de 65° de latitude sud et les terres qui la composaient formaient le "Gondwana" (Amérique du sud, Afrique, Australie, Antarctique, Europe du sud, Asie du sud et Floride). Au milieu de l'Ordovicien, alors que les terres continuent à dériver vers le Nord et se trouvent aux environs de 40° de latitude sud, une séparation se produit entre le "Gondwana" et quelques petites plaques continentales qui dérivent alors vers le Nord mais de manière indépendante les unes des autres. Une de ces plaques s'appelait "Brabantia". Elle comprenait le sud de l'Irlande, le sud de l'Angleterre, la Belgique, les Pays-Bas et le nord-ouest de l'Allemagne. Enfin, "Brabantia" se retrouve, alors que la majorité des terres se situent à 30° de latitude sud, réunie à "Baltia" (ou Baltica ) (la Scandinavie et la Russie et "Laurentia" (Amérique du nord et Groenland) pour former un nouveau continent : "Laurussia" (ou Euramérica). Cette réunion produit le plissement calédonien.

Nous abordons le Silurien et l'Ordovicien. Ici, intervient dans la région qui nous occupe, une "discordance".  Cela veut dire qu'après les couches datées du Cambrien on trouve des couches datées du Dévonien.  Le Silurien et l'Ordovicien sont absents.  Non pas qu'il n'y a pas eu de dépôts... mais que ces dépôts ont été érodés, élimés, transformés en sédiments détritiques et ont disparu, entraînés par les cours d'eau de l'époque.

En effet, posons-nous une question... quel était la paysage à l'époque ?

Retour haut de page

Quel était le paysage à l'époque ?

Imaginons que nous nous trouvions à l'emplacement du Fort de Charlemont à Givet. 

Que voyons-nous ?

D'abord, nous sommes les pieds dans l'eau, au bord d'une plage, entourée de marais côtiers couverts d'une végétation luxuriante. Il fait chaud et humide. Juste au Nord, nous voyons, suite au plissement Calédonien, un continent formé par le Massif du Condroz et du Brabant : des grès, des quartzites et des phyllades cambriens qui maintenant émergent en un haut plateau aride.  Plus au Nord encore, des chaînes de montagnes qui culminent à 1500 - 2000 m d'altitude et qui séparent le plateau aride du désert du Nord.  Tournons-nous vers le Sud et là, de l'autre côté du bras de mer dans lequel nous avons les pieds, bras de mer qui mesure une quinzaine de kilomètres de large au maximum, nous pouvons voir les falaises abruptes d'un haut plateau culminant à plus de 1000 m d'altitude avec des volcans parfois en activité : le Massif de Rocroi.  

La mer s'engouffre donc du Sud-Ouest en direction du Nord-Est et s'attaque aux chaînes de montagne créant ainsi des falaises. L'érosion de cette côte rocheuse, formée de schistes et de quartzites cambriens, donne des sortes d'éboulements de falaises, des roches qui se disloquent. Les débris s'accumulent, puis sont roulés par les vagues, les courants et les tempêtes : ils forment des galets de toutes tailles. Ces galets, cimentés par les sédiments plus fins déposés par la mer sont à l'origine du Poudingue de Fépin qui est le témoin de la première transgression de la mer vers le Nord. Durant cette transgression, toute une région centrée sur Rocroi restait exondée et formant une espèce d'archipel volcanique : C'est le Massif de Rocroi, qui porte les traces d'intrusions de magma sous la forme de Sills intercalés entre certaines strates de schiste ou de quartzite noir. On observe ces Sills à plusieurs endroits, dans la vallée de la Meuse, entre Charleville et Fumay. L'érosion de ce massif a entraîné dans les sédiments marins des grains de quartz, de feldspath et de minéraux d'origine magmatique comme la tourmaline noire.  Ces minéraux sont à l'origine du grès grossier qu'on appelle "Arkose d'Haybes". Le volcanisme de Rocroi a connu de nombreuses phases d'activité au cours du Gedinien, aujourd'hui appelé Lochkovien. Ces diverses périodes sont marquées par une série de niveaux d'Arkose qui jalonnent tout le Lochkovien.

Retour haut de page

Et le temps passe, doucement mais sûrement

Nous sommes il y a 450 millions d'années alors que la désagrégation des monts érigés par le plissement calédonien continue, la mer a encore progressé vers le Nord et ici se déposent en eau calme, à distance de la côte, en quantités phénoménales des sédiments fins, argileux et siliceux de couleurs différentes avec, par moment un retour de l'Arkose signifiant une reprise temporaire de l'activité volcanique dans le massif de Rocroi.

La mer a arrêté sa progression vers le Nord et les fleuves apportent en quantités colossales des dépôts fins terrigènes constitués de sables (donnant des Quartzites et des Grès) et des boues (donnant des Argiles et des Schistes). Ce sont les couches de quartzophyllades et schistes fossilifères de Mondrepuis. Tous ces alluvions rendent les abords de la plage très troubles, interdisant toute vie. Ce n'est que plus loin, là où les vagues se calment que les alluvions vont se déposer, par une profondeur toujours peu importante. C'est là, dans le calme que se formeront, loin des turbulences, loin des vagues, des couches de sables et d'argiles qui donneront les schistes et les quartzites que nous connaissons.

Le Dévonien arrive et avec lui de grands chambardements se préparent. Le climat change. Des continents émergés sombrent dans les profondeurs obscures des océans tandis que des continents immergés font surface.  Seuls quelques îlots émergent en France, mais la région parisienne est alors complètement sous l'eau. Le massif volcanique de Rocroi a terminé son activité et l'érosion a eu raison des reliefs qu'il a générés. Une transgression marine débute allant du Sud vers le Nord. Il s'agit d'une mer peu profonde, étant donné la quantité importante de coraux que l'on retrouve dans les couches stratigraphiques de cette période.

Au cours du Lochkovien, d'autres schistes, quartzites et grès vont se déposer, des roches à dominante rouge avec des passées vertes, les Schistes Bigarrés d'Oignies que nous pouvons découvrir dans la région de Couvin et d'Oignies. Nous pouvons aussi y observer des schistes, quartzites et grès à dominante verte avec des passées rouges, les schistes et grès de Saint Hubert. Non loin de ces Schistes, nous trouvons des Quartzites provenant de dépôts sableux ainsi qu'une couche de Grès Caverneux à l'aspect de brique où nous pouvons découvrir de la Goëtite et de l'Hématite (Fe2O3) en lentilles parfois impressionnantes. Ces couches sont observables près du barrage du Ry de Rome à Petigny.

Cette couche de Grès Caverneux provient de dépôts de sables dans lesquels se sont mélangés des petits cailloux de calcaire et des sels de fer. Le sable s'étant solidifié, il va subir l'action des eaux d'infiltration qui, en présence de sels de fer et de silice vont s'acidifier, vont dissoudre les cailloux de calcaire, donnant ainsi son aspect caverneux et va colorer en rouge le grès par les sels de fer. On peut observer dans les cavités de ce grès une recristallisation du Quartz en petits cristaux rougeâtres.

Nous sommes maintenant à la fin du Lochkovien et l'activité volcanique du massif de Rocroi cesse. L'érosion fait disparaître les volcans et les îles volcaniques sont englouties. Le niveau que nous observons est donc le dernier niveau d'arkose résultant de l'érosion du massif volcanique de Rocroi.

Nous trouvons ensuite les grès d'Anor et de Bastogne qui correspondent à une reprise de la progression de la mer vers le Nord avec des dépôts de sables. La mer arrive au niveau actuel de la Sambre.

A certains endroits, dans ce Grès, on peut observer des passées de Grauwacke de Montigny-sur-Meuse qui sont très ferrugineux (rouges) décalcifiés contenant des fossiles en moules internes et provenant d'une accumulation des coquillages en bord de mer par l'action des vagues comme nous pouvons l'observer sur nos plages, au bord de la mer à la limite entre la marée haute et la marée basse. Le niveau de la Grauwacke de Montigny correspond à un milieu de sédimentation argileuse et siliceuse très intense, qui prolonge les conditions marines du Siégenien inférieur. La roche est formée de schistes mal feuilletés, bleus ou verdâtres, de quartzites micacés et de grès argileux et calcareux, bleus ou vert foncé très fossilifères. L'élément calcareux a pour origine l'érosion des coquilles et des squelettes des animaux morts. Les grès argileux sont souvent décalcifiés à l'affleurement : ils sont alors brunis, poreux, cariés. Les coquilles ont été dissoutes par l'infiltration des eaux météoriques, ce qui laisse des vides limités par des empreintes externes ou internes des valves. C'est ainsi que nous ne trouvons que des moulages de coquilles ou des squelettes des animaux.

Au cours de l'Emsien moyen, la transgression marine ralentit. Cette période sera marquée, au niveau de la vallée de la Sambre, par la formation de Poudingues à pâte rouge, accompagnés des schistes, quartzites et grès lie-de-vin qu'on rencontre à Thuin et à Lobbes et que l'on appelle les grès et schistes rouges de Winenne.

On peut considérer que la mer continue sa progression vers le Nord. Elle envahit le sud du Brabant ce qui n'entraîne pas pour la région que nous étudions une augmentation de profondeur. La côte est maintenant bien loin de nous. La mer est calme, ce qui favorise les dépôts terrigènes les plus fins, ce qui nous donne un schiste au grain très fin. La faible profondeur, le calme, la chaleur, l'oxygénation de l'eau permettent le développement d'une vie importante de brachiopodes divers et d'une foule d'autres animaux marins. C'est ce que nous pouvons observer dans les schistes de la formation de Hierges ainsi que dans les grauwackes et les schistes de la formation de Bure, membres de l'Eau noire et de Saint Joseph.

Nous assistons ensuite à une nouvelle progression de la mer vers le Nord. Les apports alluvionnaires terrigènes régressent un peu tandis que la plage s'éloigne de plus en plus laissant la mer bien plus calme là où nous sommes. La vie commence à se développer. La présence de gastéropodes pulmonés nous prouve que la profondeur de l'eau est néanmoins assez faible, permettant à l'eau d'être bien claire, tiède et oxygénée. C'est l'époque des premiers récifs de coraux que nous retrouvons dans les calcaires de Couvin.

Je m'arrête ici pour la description chronologique des dépôts car à partir d'ici, nous ne parlerons plus du Massif de Rocroi.

En effet, l'activité volcanique s'est définitivement arrêtée et l'érosion conjuguée à une transgression marine ont complètement arasé le massif, le faisant complètement disparaître.  Seuls témoins de son existence sont les restes sédimentaires des roches primaires.  Roches déchiquetées, détruites, réduites en petites particules et transportées par les eaux vers la mer toute proche, là où elles se sont déposées sous forme de sédiments.

Coupe géologique de la région


 

Coupe Sud-Nord de Haybes à Givet
Dessin L.V.B.

Les diverses assises dont le Massif de Rocroi est composé aujourd'hui sont en stratification concordante.  On y distingue deux étages : le Devillien et le Revinien.

Le premier comprend des quartzites, des schistes verts, des phyllades aimantifères dont plusieurs variétés fournissent de bonnes ardoises exploitées à Deville, Rimogne, Monthermé, Haybes, Fumay, Revin…

L'étage Revinien comporte surtout des quartzites, des quartzophyllades, des schistes et des phyllades.  Toutes ces roches sont colorées en gris ou en noir par des matières charbonneuses.  La pyrite y abonde à certains niveaux, notamment dans les quartzites noirs, où elle se trouve souvent en cubes.

La disposition des différentes bandes du massif de Rocroi indique l'existence de plis isoclinaux déversés vers le Nord. Leurs charnières n'étant pas visibles, chacun d'entre eux peut être interprété comme un anticlinal et un synclinal.  Il en résulte que la question de l'âge relatif du Devillien et du Revinien n'est pas résolue avec certitude.  Toutefois, les géologues se sont accordés pour considérer le Devillien comme antérieur au Revinien.

Retour haut de page

Phénomènes éruptifs

Le massif cambro-silurien est traversé en de nombreux endroits par des formations éruptives.  A Quenast et Lessines, on exploite des roches porphyriques dont les éléments essentiels sont des feldspaths plagioclases, de l'amphibole et des pyroxènes, presque toujours altérés et du quartz.  A Nivelles, Gembloux et Malonne, des roches très acides, appelées eurites, ont été mises à découvert dans des carrières aujourd'hui presque toutes abandonnées.  A Gembloux, au voisinage de l'eurite, on peut observer une couche de tuf fossilifère renfermant des fragments d'une véritable cinérite.  A Pilet (sur la Mehaigne), à Rebecq-Rognon, à Monstreux (près de Nivelles) et aux environs d'Enghien, on voit dans les couches cambro-siluriennes des intercalations de roches d'un type spécial auxquelles on donne le nom de porphyroïdes.  Ces roches, probablement sédimentaires sont formées en grande partie de matériaux d'origine éruptive.

Dans l'Ardenne française et donc dans le Massif de Rocroi, apparaissent également des porphyroïdes et des roches amphiboliques notamment dans le ravin de Mairupt où un microgranite porphyrique affleure.  On a de sérieuses raisons de croire que sous les formations dévoniennes de l'Ardenne se trouve dissimulé un massif de nature granitique, dont on connaît les produits de désagrégation.  D'après certains géologues, ce massif manifesterait sa présence aux environs de Bastogne par une auréole granitique.

Retour haut de page

Pour me contacter, me faire part de vos idées, me poser vos questions, me laisser vos remarques...

cliquez ici :

Luc Van Bellingen

 

 

 

                                                                                                   Retour vers le sommaire