Pays de Charleroi
avec l'aide et le concours deSouvenirs d’enfance…
Souvenirs de "Mon beau Pays Noir"
Oui, Mon "Pays Noir"... Mon pays d'industries, de charbonnages et de sidérurgie,
Mon pays au passé social très riche... et parfois très lourd...
Et n'en déplaise à certains politiciens bcbg qui voudraient "gommer" ce nom et "oublier" cette passé qui a fait la richesse économique de notre pays tout entier, je dis haut et clair que j'ai des racines et je veux les préserver.
"La différence entre un homme qui a des racines et un autre qui n'en a pas c'est comme comparer un arbre et un poteau. Le premier grandit, s'épanouit... et l'autre est sec et pourrit rapidement."
Je suis un Belge mais aussi et surtout un Carolo et un Wallon et j'en suis fier !!!
Petite histoire que j'ai composée en souvenir d'un personnage de mon quartier, un vieux retraité de la mine qui vivait dans une petite maison au pied du terril et un joueur d'accordéon haut en couleurs qui enjolivait nos soirées et nos après-midi avec ses histoires et ses chansons.
En Wallon de chez nous... Dji va vô raconter ène pètite histwère… Ene histwère qu’è vréye… Èl cène s’passe au comins'min des anèyes swèssantes. Quand djèstè gamin, dins l’rue Appaumée, y gnavè ène fosse èyè in terril. Y gnavè saquant z’anèyes qu’èl fosse n’toûrnè pû, adont tous les mercredis èyè tous les sam’dis, tous les gamins du coron s’rtrouvè d’sû l’terril ou d’su coû d’èl fosse pou djouer. Dins l’timps, les terrils ont stî, pou tous les gamins, in lieu d’plaijî. Quand on d’avè s’sau d’jouer, on s’achidè d’su l’diseu du terril è on sondjè au timps où l’fosse tournè cô. Les djous d’condgî, au pî du terril d’Appaumée, on ratindè no’s pâ qui r’montè d’èl fosse à l’pause di twès heures.
"le mineur" dessin anonyme
"Mineurs au travail" dessin anonyme
"Effondrement dans la mine" dessin
anonyme
"Coup de grisou" dessin anonyme |
Traduction pour ceux et celles qui ne lisent et/ou ne comprennent pas cette belle langue imagée qu'est le Wallon... Je vais vous raconter une petite histoire...Une histoire qui est vraie... La scène se passe au début des années soixante. Quand j'étais enfant, dans la rue Appaumée, il y avait une mine de charbon et un terril. Il y avait quelques années que la mine avait été fermée, et tous les mercredis et tous les samedis, tous les enfants du quartier se retrouvaient sur le terril ou sur le carreau de la mine pour jouer. Jadis, les terrils ont été, pour tous les enfants un lieu de plaisir. Quand on en avait assez de jouer, on s'asseyait au sommet du terril et on songeait au temps où la mine de charbon était encore en activité. Les jours de congé, au pied du terril d'Appaumée, on attendait notre père qui remontait de la mine à la fin de sa journée de travail, à la pause de trois heures.. On lui demandait un morceau de tabac à chiquer pour le donner à l'accordéoniste qu'on appelait « Paquet de Tabac », qui, pour un morceau de tabac à chiquer nous jouait des airs de son répertoire du folklore local. C’était pour nous, les enfants assis au pied du terril. Pendant des heures et des heures il jouait pour nous. C'était notre plaisir, la joie de la jeunesse. Si il s'arrêtait c'était pour prendre un morceau de tabac à chiquer ou bien pour boire un petit verre de pèquet, disant que c'était pour décontracter ses doigts, un remède contre les rhumatismes, pour pouvoir effectuer des triolets avec son accordéon. Il attaquait des airs de la Balançoire de Jean-Baptiste Lenoir, Capitte avec l'Ane Blanc et des airs du Manège. Le dimanche à Charleroi, sur la place du marché, il chantait les chansons de Jacques Bertrand, les chansons des mineurs, de leurs misères, de leur travail, des accidents au fond du trou, des grandes grèves de 1868, des coups de grisou qui ont tué des ouvriers au fond de la mine de charbon. Tout cela est perdu parce qu'on n'écoutait pas ce qu'il disait. Le temps s'est écoulé, le vieux temps est révolu. Quarante ans se sont écoulés. Nous sommes au temps de la vitesse, des fusées qui parcourent l'espace, au temps de l'Internet. Hélas, l'accordéoniste « Paquet de Tabac » n’est plus, et sa maison au pied du terril non plus. Les châssis à molettes de la mine de charbon ont disparu ainsi que le terril. Tout cela est bien révolu. A l'heure actuelle en lieu et place du terril se trouve un parc à containers et un parking; sur le carreau de la mine de charbon se trouve un parc avec des parterres, des arbres, des serres et les nouveaux bâtiments de la maison communale. C’est beau, c'est propre et dans le quartier on n'entend plus que les pétarades des motos. Tout cela ne vaut pas « Paquet d’toubac » avec son accordéon. Mais quand je vais me promener dans le bois de Soleilmont, je passe près du terril et de l'ancienne mine de charbon du Bois de l'Abbaye. Quand un grand coup de vent souffle dans les arbres, il me semble que j'entends l'accordéon de notre « Paquet d’toubac » qui joue pour moi. Oh, je sais bien que si je raconte çà aux gens d'aujourd'hui, ils vont dire que je suis fou, que j'ai des hallucinations... Mais dans mon esprit, je sais qu'il joue encore pour moi comme jadis. Luc 1980 |
D'autres souvenirs du Pays de Charleroi... Je ne peux pas passer sous silence certains textes fabuleux de Jacques Bertrand (1817-1884).
C'est un auteur wallon, purement carolo.
Fabricant de chaises, né et mort à Charleroi. Sa famille était des plus humbles et, à dix ans, il quittait l'école pour entrer en apprentissage. D'un naturel curieux, plein de goût pour la lecture, il améliora par la suite l'instruction rudimentaire de ses jeunes années.
Ses œuvres portent la marque de son niveau intellectuel, reflètent le libéralisme de l'époque où il vivait. Jacques Bertrand est doté d'un talent qui lui permet, en écriture spontanée de peindre la vie, la tristesse, la mort, la misère... en un mot les sensations simples et frustes du peuple, avec une expression pleine de franchise.
Rappelons-nous "El' Quézenne au Mambour, L'ducace du Bo, Sintèz come èm keur bat, ..." Toutes ces chansons qui allaient dépeindre, comme les oeuvres picturales de Pierre Paulus, un Pays Noir industriel et des ouvriers avec leur laborieuse existence. Mais aussi par la truculence des expressions imagées de notre langue wallonne, Jacques Bertrand va dépeindre à la manière de Bruegel, un tableau riche en contraste et en coloris, une société débordant d'une vitalité à peine réprimée. Il y ajoute une quantité de détails réalistes. Rares sont ses chansons que l'on peut écouter sans rire et même celle qui paraît grave et sérieuse ne peut s'empêcher de nous faire pouffer ou sourire. Il se plaisait à observer ses contemporains dans leur façon de manger, de boire, de danser, de sauter, de s'aimer, et de s'amuser, tout cela il le mit en poésie avec beaucoup d'adresse et de gaieté, comme s'il employait la peinture à l'huile ou l'aquarelle avec une habileté remarquable. Il savait rendre ces hommes et ces femmes du Pays Noir avec leurs costumes, et il savait décrire à la perfection leurs danses ouvrières et gauches aussi bien que leurs démarches ou leurs poses.
Des chansons et des textes d'un réalisme d’inspiration sociale dont la puissance et la gravité touchent profondément.
Voici deux textes qui me tiennent à coeur : "Sintèz come èm keur bat" et grâce à Monsieur Lucien Baerts et Madame Christine Tombeur, animatrice d'une petite troupe de théâtre en dialecte Wallon, "El' Quézenne au Mambour". Retour haut de pageJe me dois aussi de présenter Bob Deschamps, chanteur carolo par excellence !
Né en 1914 à Wangenies, petite localité aux environs de Fleurus, ce fils de boulanger, et boulanger lui même se découvre très tôt une vocation artistique et se lance dans la dans la chanson plutôt que de reprendre les affaires familiales. Bob Dechamps devient très vite un artiste incontournable des fêtes et animations de la région de Charleroi.
Ses chansons et ses sketchs dépeignent le Pays de Charleroi et ses habitants. Bob Deschamps reste sans aucun doute le plus connu des chanteurs d’expression wallonne. Il est décédé en 2002.
Voici un superbe poème qu'il a composé en compagnie de François Lemaire.
Complainte du cheval dans la mine 1
Dans la
fosse profonde, où le jour n'entre pas
Sous la morne clarté des lampes fantastiques
Les vieux chevaux usés, fourbus et rachitiques
Traînant les wagonnets, marchent à petits pas.
Tristes mais résignés, ils vont la tête basse
Dans leur cerveau voilé, cherchant un souvenir
Et dans leurs grands yeux vagues parfois il passe
Comme des visions qu'ils ne peuvent saisir
Ce sont des gais vallons inondés de lumière
Où l'on marchait rapide et les naseaux fumants
Ce sont des près, des champs et des bosquets charmants
C'est la ferme rustique où riait la fermière
Et quand le vieux forçat succombe sous l'effort
Pendant qu'autour de lui, on dit "regarde, il crève"
A sentir tous ses maux et finir avec la mort
Il croit qu'il s'en retourne au pays de ses rêves.
Ecrit par Jules Sottiaux.
Il travaillait, il travaillait, tout le jour, Tout le jour dans le fond profond, Le fond profond d'une mine. Il travaillait, il travaillait, tout le jour, Tout le jour dans le fond, le fond profond, D'une mine de charbon. Il espérait toujours, un beau jour, voir le jour,
Te voilà couché dans cette paille qui te regarda naître
Petit cheval blanc tu n'es sûrement pas le plus bête
On te dit aveugle, mais pas de cœur
car tu nous laisses pas seuls avec nos peurs.
Dans cette nuit éternelle tu veilles
Notre frère de peine tu adoucis notre haine
le jour viendra où réformé
Puisque tes sabots sont usés pour avoir trop tiré
On te mettra dans un enclos
Et une ultime fois tu feras le beau.
L'homme qui ne voulait pas mourir
Maman, ma mère je meurs.
La terre mêlée de charbon
Je me revois enfant
Joyeux et insouciant.
Vois-tu le souffle manquant
J'agonise les yeux fixés sur le néant.
Pourtant mes frères de douleur m'épongent le front
Ils sont là comme un chagrin de moribond.
Vois-tu ma mère que mon âme se brode et s'époumone
Elle vole légère comme un oiseau fait l'automne.
Je pleure et je t'appelle comme je le faisais haut comme trois pommes.
J'ai froid et ma bouche écume
Je ne souffre plus car c'est l'heure de me sentir voler comme une plume.
Aux jambes l'on me passe des chaînes
Pour me sauver ou m'achever.
Je vois mon ami l'ange qui pleure sans pudeur voilée.
Ils sont là les hommes de devoirs grands et de chagrins noyés
Sur leurs visages des larmes traçant des sillons profonds sur la poussière
collée.
J'ai froid et saigne comme des pitiés.
Mon Dieu se connaît-on au point de se tutoyer?
J'ai vingt ans et j'aurais aimé voir encore le soleil me caresser.
Hélas, c'est la nuit sous cette terre, comme un signe mes yeux ne voient plus.
Je pars et mes frères s’agitent autour de ma tombe improvisée
Mon corps est une blessure ouverte offerte à ma destinée.
Je plane au dessus de ma future mort et de ma jeunesse écourtée.
J'entends les rumeurs du paradis et de son brouhaha de moi parler
Suis-je un fantôme ou un corps qui s'élève vers l'insouciance?
Oh ma mère je vais mourir et je t'aime pourtant,
Vous mes camarades, je vous laisse ma mémoire d'antan.
Ne pleurez pas, faites-moi en le serment.
J'ai vingt ans et peu à peu la vie m'abandonne, c'est fini.
Je vais dormir sur le sein blanc de ma mère dès aujourd'hui.
Tenez-moi les mains ! C'est le moment d’être grands mes amis.
J'ai froid, j'ai faim, je pleure, j'entends la fanfare et ses bruits.
Ôtez-moi mes douleurs qui m'avilissent.
A vous les hommes de mon puits,
Je vous laisse ma pelle et ma neuve veste.
Voilà je pars sans haine et sans souhaiter la peste.
Toutes les cloches sonnent pour ceux qui restent.
J'aurais aimé une dernière fois voir la mer
Courir pieds nus sur le sable ridé
Courir à perdre haleine en plein juillet.
Au revoir les hommes de dentelle
Au revoir ma mère si belle .
L'silicosé
(en Ch'ti)
Sur ch'querpion i s'in va ployé in deux
I sufoque comme eune vielle locomotife
A s'n'ache i a bin du mal à devenir viux
Mais l' silicosse ne l' laiche pus vife
Y voudros core aller au carbon
Mais y a bétôt pus ed'poumon
Alors y traine s'vielle carcasse
Duchemint in trainant ses godasses
I s'forche au moins eune fos par jour
A s'promener dins sin vieux coron
A essayer incore d'un faire l'tour
Vire des gins pis rintrer à s'maison
Ch'vint y souffèle dins chés rues
Chés gins arserr'tent leux pardessus
L'air y est ed'pus in pus frais
In sint qu'l'hiver y va arriver
Dins chés gulots les feulles mortes
Vol'tent in tournant d'vant chés portes
Ch'ciel y est querqué ed'nuaches gris
Ch'bieau temps d'l'été y est bin fini
Bétôt ch'arsera Noël, neiche et verglas
Ch'temps y passe ed'pus in pus vite
Surtout ed'puis qu'alle est pus là
I l'avos si querre s'fosse du huit
Une fos qu'l'automne sera passée
I n'a core au moins pour eune année
Pour chés feulles pour chés silicosés
Ch'est l'saison pour duchemint s'in aller
Ecrit par
Bierlair René dit Cartouche
Un cliché de Willy Ronis
Un cliché plein d'émotion
Un cliché qui me renvoie dans mon passé
Un cliché pris à Lens ma ville natale
Le regard de la détresse infinie
Le regard d'un homme foutu à moins de 50 ans
Le regard de celui qui va mourir et qui
le sait
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