Voyage de l'Ascension en Aveyron... Nous visiterons Asprières et Valzergues.
Pour le voyage aller, je m'octroie un arrêt en Sologne, à Châtres-sur-Cher, dans un gîte d'étapes, ce qui me permet de faire la route
en deux jours et de visiter un peu la France.
La Sologne, pays de grands domaines terriens partagés en plans d'eau où se pratique la pêche, en grandes forêts où se pratiquent
la sylviculture et la chasse et en grandes terres de agricoles où se pratiquent la culture de blé, de l'orge, du maïs...
Un plan d'eau en Sologne, propice à la pêche et à la chasse au gibier d'eau (canard, bécasse...) La forêt de Sologne, propice à
la chasse au gros gibier (sangliers, cerfs, biches, chevreuils...)
Photos L.V.B.
Richesse de la Sologne, bien présentée par les panneaux indicateurs vus dans la région et la revue "Le Chasseur
français" (de 1948) bien en vue, sur un chevalet, dans la chambre que j'ai occupée.
Photos L.V.B.
Les grands domaines terriens sont émaillés de fermes à l'allure de châteaux entourés de parcs immenses, de pièces d'eaux...
Photo L.V.B.
Parfois ce sont de véritables châteaux style Renaissance en forme de U avec au fond, la demeure des maîtres de maison; à droite
les communs où logent le personnel et les "gens de maison" et à gauche les écuries où on entends encore les hennissements, le tout flanqué d'une grange monumentale et de la maison
du garde chasse qui s'il ne se déplace plus à cheval le fait en voiture pour la ville et en 4X4 pour la forêt. Toute la propriété étant entourée de murs de briques et de grilles. En un
mot : grandiose !
A gauche, l'imposant corps de logis et à droite, les écuries
Photo L.V.B.
Les dépendances et la grange colossale
Photo L.V.B.
La Maison du Garde-chasse
Photo L.V.B.
Arrivée à Capdenac, le long du Lot, frontière entre le département du Lot et de l'Aveyron.
A gauche, Capdenac Haut vu de Capdenac Gare et à droite, Capdenac Port vu de Capdenac Gare.
Photos L.V.B.
A gauche, la centrale électrique et le barrage et à droite, le tunnel routier menant de Capdenac Haut vers Capdenac Port et
Capdenac Gare.
Photos L.V.B.
Les vestiges de la forteresse de Capdenac Haut.
Photos L.V.B.
Notons au passage que Capdenac Gare fut un
nœud ferroviaire important sur une voie d'Est en Ouest permettant de rejoindre les
grandes voies pour l'acheminement du charbon de la mine de Decazeville, le zinc produit par l'usine belge de la "Vieille Montagne" de Viviez, la galène d'Asprières, la fluorite de
Valzergues...
Venons-en aux choses sérieuses : Asprières.
Notre guide, Marc Caverivière (propriétaire de la mine et du crassier), nous amène sur le site, un coteau broussailleux jonché
de cailloux.
Le champs de fouilles
Photos Marc Jauniaux
Au pied du crassier se dresse un cabanon, un petit abris de fortune : une cabane en planches juste pour se mettre à l'abris et
nettoyer les pièces découvertes.
Le cabanon
Photos Marc Jauniaux
Il s'installe sur le porche, nous promet une paëlla chauffée sur le barbecue pour le midi (qui fut très bonne d'ailleurs) et
commence à nous donner des indications à propos du site.
Marc Caverivière donnant ses indications au groupe.
Photos Marc Jauniaux
Il nous explique que les mines de plomb de la région d'Asprières et Bouillac ont été exploitées depuis l'époque gallo-romaine.
Plusieurs sites on livré de la pyromorphite dont les faciès sont propres à chacun. De l'hémimorphite cristallisée a été trouvée, associée la pyromorphite. Toujours est-il qu'il s'avère que
tous les sites qui ont livré des spécimens minéralogiques sont rattachés à la mine de La Vidalle.
Ouverte de 1885 à 1930, cette mine a été exploitée pour la galène. La pyromorphite étant un chlorophosphate de plomb, minéral
secondaire de la galène, les techniques de l'époque ne permettaient pas d'en extraire le plomb. Les ouvriers se concentrèrent sur la galène mais rejetèrent la pyromorphite comme un déchet.
En 1860, un certain Mr. Benoit s'intéressa à ce lieu et y effectua des recherches. Malheureusement pour lui, il se fit devancer
par Mr. Benett qui demanda et obtint la concession pour la Silver Lead Company qui exploita la galène.
Cette concession portait sur une superficie de 636 hectares. La Silver Lead Company exploita jusqu'en 1893, date à laquelle elle fit faillite.
De 1893 à 1901, ce fut la Société Générale Française d'Exploitation et de Traitement des Minerais qui en obtint la concession avant de finir aussi en faillite.
De 1901 à 1919 la concession eut pour propriétaires Mr et Mme Gaillard De Fleurieu, puis elle fut amodiée à la Vieille Montagne Zinc à partir de 1918. Cette société travailla de 1918 à
1929 puis abandonna les travaux.
Travaux miniers.
Des travaux eurent lieu dans le ravin de Riuccurbe, en galeries parallèles formant un ensemble de travers bancs; dans la mine de
La Vidale sous forme d'un puits et de galeries; dans le travers banc de Gazeau; à Vernet-le-Haut, sous l'église et au niveau de la voie ferrée; à Querbes, en galeries presqu'horizontales; à
Bréziès, en tranchées, puits et galeries; à Roucayrol, en tranchées; sur le coteau d'Asprières, en puits et galeries; à Le Bac, en tranchées et carrières et enfin de la Vidale à Brézies, en
tranchées reliant presque les deux lieux-dits.
Les travaux sont réalisés sur une zone représentée par la formation de Cuzac et par la diorite quartzeuse de
Capdenac au contact de la faille de Villefranche-de-Rouergue.
Ces formations sont recoupées par des dykes de porphyrite dioritique.
Le filon principal recoupe, successivement au départ de la Vidale de l'Ouest vers l'Est :
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Un gneiss à muscovite et à micas,
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des amphibolites,
-
des leptinites et gneiss,
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des amphibolites au niveau du ravin de Brézies,
-
des gneiss et micaschistes.
Au niveau du ravin de Riuccurbe, le filon principal est enchâssé dans la diorite de Capdenac jusqu'à Vernet-Le-Haut. On compte 7
filons, étagés du niveau de Gazeau au Hameau de Rouquayrol à Asprières, d'orientation sensiblement Est-Ouest, avec un pendage presque vertical vers le Nord.
Ces injections magmatiques induisent la présence d'un batholite qui est la cause de la remontée des fluides, ce qui est totalement
différent de ce que nous observons en Calestienne. (cf. Gitologie)
En dehors des puits et galeries de recherches, les travaux principaux furent réalisés sur le filon n° 3, au niveau de la Vidale et
sur un filon croiseur Sud-Nord situé au toit.
L'épaisseur du filon varie de 0,50 mètres à une dizaine de mètres avec une minéralisation très irrégulière (0,20 à 1,50 mètres).
L'ensemble des travaux s'étage sur 5 niveaux principaux avec un puits d'aération au niveau de la «Croix de Saint-Roch» (actuellement comblé) et un travers-banc dit Banc de Gazeaux qui
recoupe le filon n°3 à 300 mètres de l'entrée.
Une usine de traitement et lavage du minerai de plomb fut construite à proximité de l'entrée. Il en existe à ce jour des vestiges.
Les travaux en galeries furent stoppés en-dessous du niveau du ravin de Brézies à environ 800 mètres de l'entrée. Ils recoupèrent d'anciennes galeries et dépilages en partie comblés et d'âge
indéterminé. Le filon fut attaqué en surface depuis le ruisseau de Brézies, puis dans le ravin de Riuccurbe, par 4 galeries, et par un puits de 100 mètres de profondeur au niveau du ruisseau de
la Vidale. Ce même filon a été également reconnu sous le hameau de Querbes, sur près de 600 mètres, par 2 galeries en direction du Vernet.
Minéraux observés :
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Indice du plomb : galène, pyromorphite, cérusite, wulfénite.
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Indice du baryum : baryte.
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Indice du cuivre : chalcopyrite, brochantite, linarite, malachite.
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Indice du zinc : sphalérite, smithsonite.
-
avec quartz.
Vient le moment de la recherche proprement dite... et ici, il faut bien le reconnaître, notre guide n'a pas été totalement
honnête avec nous...
En effet, après ces explications, il nous propose de commencer nos recherches dans les roches apparentes, cependant, la présence
sur place d'une pelleteuse et d'un long tuyau d'arrosage me fait penser qu'il retourne régulièrement le terrain pour faire apparaître les pierres, les arrose pour faire couler la boue et les
nettoyer grossièrement pour trouver les belles pyromorphites et les vendre (car ce monsieur est présent sur les grandes bourses dont Sainte-Marie aux Mines, où il vend ses pyromorphites à des prix
exorbitants...). Les cailloux apparents et ne devraient plus présenter d'intérêt puisque déjà nettoyés et visités.
Une belle pièce nous est tout de même présentée par "notre hôte" pour attiser notre curiosité et notre envie... Mais
de quand date-t-elle? 1 an? 5 ans? 10 ans ???
Photo Marc Jauniaux.
Alexandre et moi sommes dubitatifs quant aux cailloux déjà lavés qui ne présentent aucune cristallisation de pyromorphyte et
face à ce tuyau d'arrosage qui parcours le terrain. Manifestement, les cristallisations ont déjà été ramassées... Non ! il faut creuser si on veut avoir la chance de trouver quelque
chose...
Photo Marc Jauniaux
On commence donc à creuser la terre et à visionner les roches découvertes. Chaque caillou déterré est brossé et observé, parfois
même grossièrement lavé dans un tonnelet près de cabanon.
Les pièces découvertes sont emballées et s'entassent dans les sacs qui s'alourdissent... d'autant plus que c'est un minéral de plomb
et que pour rentrer aux voitures il y a au moins 500 mètres à faire avec une jolie grimpette casse-pattes en fin de parcours...
Enfin, pour les malchanceux, quelques cailloux pourtant quelques petites cristallisations de pyromorphite de 3ème catégorie sont
à disposition au pied d'un arbre. Ce sont des pièces délaissées par les groupes précédents...
Photo Marc Jauniaux
Valzergues
Notre guide nous explique que malgré la proximité du célèbre gisement de charbon de Decazeville, ces filons de fluorite n'ont
aucun lien direct avec ce milieu houiller du Stéphanien. En fait, il est fort probable que le grand groupe filonien du haut doive sa localisation au grand accident stéphanien (- 280 Millions
d'années) puisqu'il est orienté N-NE / S-SW. Notons au passage que le célèbre filon aux fluorites jaunes est orienté E-W donc perpendiculairement aux autres. Sa formation est totalement
indépendante du groupe filonien du haut. L'ensemble des filons de fluorite est localisé dans une zone à micaschistes, mais cette zone est proche de l'ensemble granitique dit granite d'Aubin. Le
remplissage fluoré trouve sans doute son origine dans le métamorphisme de contact qui a permis de remobiliser, lors de la venue du granite, le fluor originel des roches métamorphiques.
Notons au passage que cette mine présente quelques dangers en raison de son exploitation sur plusieurs niveaux, dont un niveau
inférieur entièrement noyé et accessible par des puits qui présentent une grande difficulté d'accès.
L'entrée au niveau 0 se fait par un très long travers-banc qui va recouper perpendiculairement les trois filons parallèles. L'entrée
a été consolidée sur trente mètres par un bétonnage conséquent. Ce travers-banc est parcouru sur toute sa longueur par une voie ferrée qui permettait la circulation des wagonnets de minerais. Chaque
filon a été exploité sur plus de 300 mètres de long et l'on observe au plafond des trous de communication avec les niveaux supérieurs (au moins 3 niveaux).
Les filons sont fortement chargés en quartz hyalin et de grandes plaques entièrement cristallisées attendent encore les minéralogistes. Les géodes sont fréquentes et sont souvent remplies d'une
argile rouge fine et collante. De temps en temps, dans un ensemble de fluorite bleue on trouve une poche tapissée de cristaux de quartz et, par dessus les quartz, quelques cubes centimétriques
isolés de fluorite bleue du plus bel effet.
La fluorite du filon jaune est réputée : cristaux jaunes jusqu'à 30 cm.
L'observation des cristaux laisse apparaitre une formation en trois temps : d'abord une venue de fluorine jaune qui constitue la majeure partie des cristaux, ensuite un nouvel apport de fluorite
bleue qui donne tout son intérêt aux cristaux et enfin un dernier dépôt d'un jaune clair presque incolore. Il faut noter que souvent les cristaux présentent des troncatures aux sommets, plus
rarement sur les arêtes.
Au niveau des filons de Valzergues, il convient de signaler la présence de baryte, de quartz, de galène, de sphalérite, de sidérite et de chalcopyrite. Ces minéraux primaires ont donné naissance
à des minéraux secondaires fort intéressants : malachite, pyromorphite, conichalcite et surtout cornwallite. Ce dernier minéral est un rare arséniate hydraté de cuivre qui est ici abondant dans le
deuxième filon. En effet, un passage très géodique du filon, présente sur des cristaux de quartz multi-centimétriques, des cristaux en aiguilles de 5 mm et plus, d'un vert pomme qui ne passe pas
inaperçu !
Malgré son tonnage modeste, cette mine est chargée de prestige en raison de la beauté des cristaux de fluorite qui en ont été
extraits. La fluorine a été utilisée dans les hauts-fourneaux de Decazeville comme fondant métallurgique, avant d'être remplacée par du calcaire.
Pour ce qui est de la recherche, notre guide nous amène sur place par un sentier qui longe un ruisseau coulant tumultueusement
au fond d'une vallée encaissée.
Nous croisons à notre droite, à hauteur du sentier, une tranchée qui mène à une galerie en travers banc qui s'engage au moins
sur 15 mètres de long. Je dis 15 mètres de long car ce doit être le maximum visible avec la luminosité du jour. N'ayant pas de frontale ni de lampe de poche et n'ayant aucune envie de
m'introduire dans un tel boyau, je ne peux pas en dire plus mais au son qui résonne quand je lance un caillou dans la galerie, cela ne m'étonnerait pas qu'elle ait une centaine de mètres de
long. D'ailleurs depuis l'entrée de la galerie sous terre et sur une cinquantaine de mètres de long, un renfoncement du terrain trahit sa présence, puis, ce renfoncement oblique vers la gauche
et disparaît dans le sous-bois. D'après notre guide, il n'y a rien à trouver par-là. Nouvelle intox de la part de notre guide.
La "petite galerie"
Photo L.V.B.
Nous continuons donc sur notre sentier une bonne centaine de mètres et là, notre guide nous invite à traverser le ruisseau puis à monter un coteau en pente raide pour arriver face à une
entrée de galerie.
Photo Marc Jauniaux
C'est le "filon jaune" exploité pour ses fluorites dont certaines mesurent plus d'une d'une dizaine de centimètres d'arêtes,
si recherchées par les collectionneurs.
La grande galerie du Filon Jaune et le "puits" vers les étages inférieurs
Vu l'allure du machin, il faut être fou à lier ou avoir deux fils qui se touchent pour oser s'y aventurer.
Photos L.V.B.
Notre guide nous invite à creuser la terre devant la galerie en nous disant qu'il y a certainement des fluorites dans cette
terre. Encore une intox de la part de notre guide puisqu'à 30 cm de profondeur, je tombe sur un lit de feuilles mortes... manifestement des feuilles de cet hiver. La terre au dessus
a donc été ramenée de la galerie pendant l'hiver ou juste après celui-ci. Notre guide et son acolyte exploitent épisodiquement ce filon avec groupe électrogène, marteau-pic et autres
engins... Il y a fort à parier qu'il n'y a rien dans cette terre. Il faut creuser bien plus bas pour arriver sur des cailloux. J'y arrive après avoir creusé plus
de 60 cm.
Photo Marc Jauniaux
Les premiers cailloux sont des morceaux de roche informe... puis je tombe sur des morceaux d'une densité supérieure... il y
a de la baryte dans le coin... on y arrive.
En creusant toujours (et là j'arrive à près de 80 cm), je trouve mes premières fluorites engluées de glaise dont les arêtes
sont toutes explosées. Enfin une pièce valable en compagnie de baryte massive. Trop de travail et trop peu de temps disponible pour l'effectuer. Je laisse la place aux autres.
Je redescends vers le ruisseau où je procède à un premier lavage de ma pièce. Marc en fera une photo.
Photo Marc Jauniaux
Je la dépose le long du sentier, sur de la mousse pour qu'elle sèche un peu et je retourne vers la petite galerie "où il n'y
a rien à trouver".
Les gravats qui jonchent l'entrée sont juste recouverts par un lit de feuilles mortes. Conclusion : il n'y a pas des années
qu'ils ont été produits (sinon, ils seraient recouverts de branchages, de terre, d'humus et de mousses).
Je les déplace et je creuse un peu... Il ne m'a pas fallu plus d'une demi-heure pour trouver dans la terre des blocs de fluorite massive,
des blocs avec des cristaux émergeant de plusieurs cm d'arête.
Deux belles pièces encore engluées de terre.
Ci-contre vous pouvez-les voir nettoyées.
Photo Marc Jauniaux